Pourquoi je préfère « la polyamorie » au « polyamour »

Définition et retour aux sources

Les mots « polyamour » (souvent d’usage en français) et « polyamorie » – que je lui préfère – sont en réalité deux traductions différentes du même néologisme américain « polyamory » (formé du grec πολύ et du latin amor) qui signifie, non pas le fait d’être amoureux de plusieurs personnes en même temps, mais : la possibilité de vivre des relations plurielles éthiques dans lesquelles l’amour, s’il se présente, est libre de se développer.

Et la nuance est importante.

Définition sur Wikipedia : 
Polyamory is the practice of, or desire for, intimate relationships where individuals may have more than one partner, with the knowledge and consent of all partners.
It has been described as « consensual, ethical, and responsible non-monogamy ».

La polyamorie – appelée souvent à tort à mon sens « polyamour » en français – est en effet  la possibilité de vivre en parallèle des relations intimes plurielles – possiblement amoureuses et/ou sexuelles – avec l’accord libre et en conscience de chacune des personnes concernées.

Les relations en question peuvent être amoureuses… ou pas (on peut être poly et aromantique), de même qu’elles peuvent être sexuelles… ou pas (on peut être poly et asexuel·le) : l’idée est de laisser se développer les relations de manière organique, sans chercher à les faire entrer dans des cases ou à les qualifier.

Il s’agit d’une orientation relationnelle, où l’accent est plus mis sur la forme des relations : éthique — chaque personne s’engage à faire attention et à prendre soin de ses partenaires et relations  que sur leur nature (amoureuses possiblement, mais pas nécessairement).

Or dans « polyamour », on entend « Amour » – avec un grand A, renvoyant le plus souvent à l’amour romantique, l’amour-passion.
Le souci est pour moi encore plus frappant avec « polyamoureuxe » où on entend : « être amoureuxe », là où en anglais, « polyamorous » ne signifie pas « to be in love » mais… « être sexuellement attiré·e » par plusieurs personnes.

Voilà pourquoi je préfère traduire l’américain d’origine « polyamory » par « la polyamorie ».

NB. Cette confusion avec le mot « amour », du latin « amor », n’existe que dans les pays de langue d’origine latine : français, italien, espagnol, portugais. Même hésitation pour traduire polyamory en italien par exemple, entre poliamore et poliamoria.

En effet, quand on entend « polyamour » en français, on croit comprendre qu’il s’agit de « être amoureuxe » de plusieurs personnes et… on se trompe.
Il s’agit pour moi d’un faux-ami de traduction.

En anglais, la confusion n’existe pas : on ne parle pas de « poly-love » et quand on entend pour la première fois le mot « polyamory« , le réflexe est de demander « poly-what ? »
De même qu’en allemand, on ne dit pas « Die Polyliebe » (qui serait la traduction littérale de « polyamour »), mais « Die Polyamorie » – qui ne veut rien dire, et oblige à poser des questions.

Je préfère de même utiliser en français ce même mot de « polyamorie » qui a pour conséquence, quand on l’entend la première fois, de susciter, comme en anglais et en allemand, la question : « poly-quoi ? »


Pour plus de détails sur l’origine du mot polyamory (= ethical non-monogamy),
voir mon article : Poly-quoi ? Amorie. Poly-amorie !
dans ma série d’articles sur l’Éthique relationnelle.

***

NB. Une partie des paragraphes ci-dessus ont été écrits pour un  article de Philippe Brenot, psychiatre, anthropologue, sexologue et président de l’Observatoire International du Couple, pour son article sur son blog sexo sur le journal Le Monde Polyamorie, paru le 13 décembre 2018, quelques jours après sa découverte de LUTINE sur grand écran et sa rencontre avec le public à cette occasion : voir les vidéos sur la chaîne Youtube de Lutine le film.

De mon droit à ce qu’on me foute la paix !

Article en réaction à la tribune parue dans le Monde le 9 janvier 2018 à propos de « la liberté d’importuner ». Parce que j’avais besoin d’écrire  tout ça quelque part. 

Au « droit de se laisser importuner », j’oppose, moi, j’assume et je revendique, mon droit à ce QU’ON ME FOUTE LA PAIX !

Si j’ai envie ou besoin qu’on me laisse tranquille, mon droit le plus légitime, mon droit intrinsèque en tant qu’être humain… c’est qu’on me laisse tranquille.

« Mon corps, c’est mon corps ! », disait déjà une ritournelle qui empouvoirait les enfants au Québec en 1986 : « Tu as ton corps à toi, Laisse-moi le mien. »

Mon corps m’appartient. Personne n’a le droit d’y toucher sans mon consentement explicite. C’est compliqué à comprendre, ça ?

Comment ça, on devrait apprendre à nos petites filles à se méfier, se protéger, à… ne « pas provoquer » ? Hein ?

Et si on commençait par expliquer à nos enfants, quel que soit leur genre, à se respecter les un·es les autres ? À se respecter soi, et à respecter l’autre en tant qu’autre, qui a autant de droits et de légimité à « être », et à avoir ses propres désirs, envies ou besoins… que moi ?
Et si l’autre, son besoin, c’est qu’on lae laisse tranquille, alors mon devoir à moi, c’est de lae laisser tranquille !

Non, je n’ai pas envie qu’on « m’importune ». Par définition. Le mot « importuner » lui-même dit bien ce qu’il veut dire, avec tout le dérangement, le malaise, l’intrusion, qu’il contient :

Importuner

  1. Déplaire, ennuyer, fatiguer par des assiduités, des discours, des demandes, une présence hors de propos.
  2. (Par extension) Déplaire, ennuyer, en parlant de choses qui sont hors de propos ou semblent hors de propos. Synonymes : contrarier, embêter, (Vulgaire) emmerder, ennuyer, (Vulgaire) faire chier, (Familier) faire suer, (Familier) gonfler, pomper l’air, (Familier) casser les pieds, (Familier) prendre la tête.

La réciprocité comme point de départ de toute relation, ça vous dit quelque chose ?

Ça va bien au-delà du « non, c’est non » : à l’instar des Québécois·es, je prône le « sans OUI, c’est NON ». SANS OUI explicite, clair, enthousiaste… c’est NON.

Si j’adresse la parole à une personne et qu’elle ne me répond pas… c’est probablement qu’elle n’a pas envie de me parler. Et je considère alors de mon devoir… de la laisser tranquille !

Voulant relire la tribune à l’origine de ma colère, j’ai soudain réalisé qu’en réalité, elle ne mettait pas en avant, comme je l’ai fait au début de cet article, le « droit de se laisser importuner » (c’est d’ailleurs en effet leur « droit » le plus légitime : si les cent femmes qui ont signé ce texte  – et toutes celles qui sont d’accord avec elles – revendiquent le droit de se laisser importuner, qu’elles  l’assument et le signalent aux personnes avec lesquelles elles entrent en contact : « avec moi, tu peux insister, même lourdement ». Ça les regarde.)… mais bien au contraire – et ça en dit long, ô combien ! – la « liberté d’importuner » !

On ne parle pas, on ne se place pas, du même « point de vue » – et c’est en tant que cinéaste, que je vous parle ici.

En effet, je me place, moi, de mon point de vue, je parle de mon droit à ce qu’on me foute la paix si je souhaite qu’on me foute la paix… tandis que les signataires de cette tribune se placent, elles, du point de vue de l’autre, de celui qui importune, de celui qui dérange, qui agresse, qui pose problème.

En signant cette tribune, c’est à ces personnes-là qu’elles s’adressent indirectement, en leur disant : « venez, n’hésitez pas, vous avez le droit, c’est votre liberté d’embêter, de déranger » (le sens premier d’importuner : comme un moustique qui vous tourne autour, prêt à vous piquer : agaçant, non ? C’est pourtant bien cela, que signifie « importuner »).

Je ne suis pas d’accord, profondément, intrinsèquement. Car ma liberté… s’arrête là où commence celle de l’autre. Point. Et, comme renchériraient mes enfants quand ielles se moquent de moi en m’imitant : « C’est non négociable ».

Une relation, pour être positive, heureuse, saine, équilibrée, sereine… ne peut être que RÉ-CI-PRO-QUE. C’est même le B-A-BA des relations positives :  la confiance, le respect et… la réciprocité.

Si j’ai envie d’être avec quelqu’un·e et qu’ielle n’en a pas envie… alors à moi de gérer mes émotions, ma frustration, ma tristesse, ma colère. Si quelqu’un·e n’a pas envie de me voir ou d’être en relation avec moi alors que moi j’en ai envie… mes émotions m’appartiennent. Cette personne n’est en rien « responsable » de ce que je ressens, quelle que soit la violence des émotions que je ressens en moi, et qui peuvent être désagréables, c’est entendu. En effet, le rejet peut me faire revivre des émotions douloureuses de mon enfance, quand les personnes qui s’occupaient de moi n’étaient pas à mon écoute, ne validaient pas mes émotions, n’étaient pas en empathie avec ce que je ressentais. Certes.

Mais ça ne fait pas de la personne qui n’a pas voulu de moi… une mauvaise personne. Et ça ne me donne certainement pas le « droit »  d’insister jusqu’à ce qu’elle cède – par lassitude, ou par peur – et encore moins le droit de lui « forcer  la main », de l’obliger d’une quelconque manière – en la touchant, en la harcelant, en lui faisant peur de vivre encore pire… – à entrer en relation avec moi.

Il est temps, plus que temps, d’apprendre à nos enfants, et donc à nous de commencer par être pour elleux des « role models » à nous respecter les un·es les autres. Afin que chacun·e d’entre nous puisse se sentir en SÉCURITÉ dans le monde. Car c’est là, pour moi, l’essentiel d’une relation sereine et heureuse entre deux personnes : que chacune se sente entendue dans son altérité, respectée dans son intégrité, et… en sécurité.

D’un côté, l’amour  : le respect et la confiance me permettent de me sentir en sécurité.
De l’autre, le monde de la peur, de la méfiance, de l’insécurité.
On ne peut construire une relation saine… si on ne sent pas en sécurité.

C’est cela qu’il faut apprendre à nos enfantsquel que soit leur genre – : à se respecter les un·es les autres.

Et leur faire entendre, comprendre, ressentir profondément et admettre une bonne fois pour toutes, que : sans OUI explicite, c’est NON.
Si c’est « peut-être » : c’est NON. Si c’est « je ne sais pas, je ne suis pas sûr·e, peut-être plus tard, si tu veux, si ça te fait plaisir » : c’est NON. Si c’est sans réponse : c’est NON.

Et pour pouvoir vivre – si on le souhaite – une sexualité libre, joyeuse, ludique, positive, cette sexualité libre et sans entraves pour laquelle je milite depuis des années, il est impératif que notre OUI puisse être un vrai OUI, un OUI enthousiaste, un « Fuck yes!« .
Et pour que notre OUI soit un vrai OUI, il est impératif que nos NON soient entendus, et respectés.

 

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #22. Récap’ !

Et hop ! Voilà donc ma 5ème série de 21 articles d’affilée terminée… après
– 13 Jours devenus 21 de pensée positive
–  21 jours de Mindsight
21 jours de Voyage en Polyamorie
– 21 Jours pour des relations positives.
Et pourtant, j’en avais encore, des choses à dire ! Je crois donc que je vais désormais m’atteler plus sérieusement à ce dont je parle quelque temps : un livre !

En attendant, voici donc le récap » de ces 21 articles sur l’éthique relationnelle, ou pour des relations éthiques.
1. Ma note d’intentions
2. Poly-quoi ? Amorie ! Polyamorie. Pourquoi je choisis de parler de « polyamorie » et non de « polyamour », comme c’est pourtant plus souvent le cas en français.
3. La Polyamorie, donc : où il est question de relations consensuelles et éthiques
4. Ok, mais… qu’est-ce que l’éthique ? (Notamment par rapport à la « morale »)
5. Où l’on parle de Règles générales et de cas particuliers : chaque relation est unique, comme l’est chaque personne.
6. L’autre est… autre ! En réalité, c’est le fondement de « mon » éthique : l’autre est autre, tout aussi libre et légitime que moi dans ses désirs, besoins, émotions.
7. Communication compassionnelle : un autre nom pour « communication non-violente », mais au fond, on parle bien de la même chose. Où il s’agit avant tout d’écouter l’autre, et de m’exprimer au « JE », dans le respect, le non-jugement et la bienveillance.
8. Droit à se définir soi-même : où il est question, quand quelqu’un·e prétend tenter de franchir mes limites psychiques, de relations abusives. J’ai le droit de ME définir « inside out« , et toute prétention venue de l’extérieur à me définir « outside in » est non seulement absurde et une forme de « non-sens », mais déjà, en réalité, une forme d’abus.
9. De l’importance des limites psychiques : où il est important de se connaître, et d’oser affirmer ses propres limites, tout comme il est important de respecter absolument – et sans  ergoter ! – les limites d’un·e autre. C’est aussi là où je vais plus loin que le « non, c’est non » français, en reprenant ce slogan venu du Québec : « Sans oui, c’est non ! ».
10. Primum Non Nocereavant tout, ne pas nuire. Ne pas faire de mal, psychique ou physique. Et dans le doute : s’abstenir. Respecter l’intégrité, le libre-arbitre absolu de l’autre.
11. Se faire du bien. En réalité, je vais plus loin que « ne pas nuire », en positivant la formule : en effet, pour moi, quand on entre en relation avec quelqu’un·e, quelle que soit la forme de cette relation, l’enjeu est bien de : faire du bien à l’autre, et qu’ielle me fasse du bien. Dans tous les sens du terme. Que chacun·e respecte l’autre, son autonomie, sa liberté, son libre-arbitre, et l’accompagne dans son cheminement vers une meilleure version de soi-même. Et quand ce n’est pas ou plus le cas… alors il est peut-être temps de prendre des chemins différents.
12. À propos d’amour. Où il est notamment question du livre de Carrie Jenkins : What Love Is And What It Could Be. Où l’on parle de l’amour à la fois comme un fait biologique ET comme une construction sociale. À mon sens : passionnant !
13. En quoi la polyamorie dérange-t-elle encore tant ? De mon point de vue, parce qu’elle remet en cause le fondement même de la société patriarcale capitaliste et hiérarchique dans laquelle on vit : la sacro-sainte norme du « couple » (hétéro-)monogame, dans lequel deux personnes choisissent de restreindre leur propre liberté en échange de celle de l’autre (en théorie, parce qu’en pratique, on vit beaucoup en Hypocrisie).
14. La Polyamorie est révolutionnaire. Allez, j’assume !
15. Assumer mes responsabilités. Il s’agit notamment d’assumer la responsabilité de mes émotions et de mes réactions. « Tu as le droit d’être en colère, tu n’as pas le droit de taper ou de dire des méchancetés » : c’est une des premières choses que l’on apprend à un enfant, dès tout petit. En effet, mes émotions sont les miennes, elles m’appartiennent, et j’en suis responsable. Ce qui ne signifie pas pour autant que je peux faire n’importe quoi sans tenir compte des émotions des personnes avec lesquelles je suis en relation, et envers lesquelles j’ai des engagements : c’est bien pourquoi il est ici question… d’éthique !
16. Maintenir le lien. Dans une relation, est-ce que je cherche à « avoir raison » et à « soumettre l’autre », ou bien est-ce que la qualité de la relation que nous entretenons m’importe ? Si à chaque ornière sur le coin de la route, je remets en cause la relation et je menace de la quitter, est-ce que l’autre peut se se sentir libre d’exprimer ses émotions ?
17. Un contrat librement consenti et… renouvelable. On doit pouvoir rediscuter des accords que l’on a passés : chacun·e a le droit d’évoluer et de changer d’avis. En effet, quand on ne bouge plus… c’est qu’on est mort·e !
18. Accueillir les transitions. Parfois, les accords que l’on avait passés ne conviennent plus à l’un·e ou à l’autre et la relation ne lui fait plus de bien. Il peut alors être bon de « lâcher prise » sur la forme qu’avait la relation, et lui permettre d’évoluer en douceur. Où, dans les relations éthiques, on parle plus de « transitions » que de « ruptures ».
19. Accords versus Règles. Un « accord » est passé entre toutes les personnes concernées. Une « règle » est imposée à une personne par une autre, qui cherche en réalité souvent à se protéger de ses propres émotions et insécurités. Et une règle, quand elle est « imposée » et n’est pas juste « éthiquement parlant » (au sens de Kant : est-elle universalisable ?) appelle à mon sens à la transgression – car c’est le propre même de l’être humain que d’être intrinsèquement libre. 
20. Poser ses limites. Là encore, où connaître et poser ses propres limites est essentiel pour être heureuxe dans une relation, et est très différent d’imposer une règle à quelqu’un·e d’autre. Dans le premier cas, je me définis « inside out » : je définis les limites au-delà desquelles je ne me sens pas en sécurité ; dans le second, je cherche à imposer à l’autre une règle « outside in », qui lui est imposé par moi. D’où la question : à quel moment une relation, ou même un comportement, deviennent-ils abusifs ? C’est bien tout l’enjeu de cette réflexion sur l’éthique (car s’il y avait des réponses toutes faites aux questions que je pose, ça se saurait !)
21. Respect et Confiance sont pour moi les deux piliers essentiels d’une relation. Sans respect, pas de relation digne de ce nom, juste un lien de subordination, ou de dépendance. Sans confiance, on est alors dans son inverse : la dé-fiance, ou la mé-fiance, ce qui signifie que pour une raison ou pour une autre (légitime ou pas), on se sent en insécurité ; et lorsque l’on se sent en insécurité, on n’est plus dans un état émotionnel serein nous permettant d’être dans une relation épanouissante.

Oups, je vois bien que je me suis un peu « lâchée » à nouveau dans la description de ces articles, et qu’il reste encore tellement de choses à dire !

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #21. Respect et Confiance

… Où il est important, aussi, d’entretenir avec soi-même une relation éthique : d’être à sa propre écoute, de savoir s’accueillir avec bienveillance, tolérance, non-jugement et… indulgence.

Me voici donc arrivée au terme de ce nouveau défi que je m’étais lancée à moi-même, ces 21 jours d’articles sur le thème de l’éthique des relations.

Je me rends compte que j’ai finalement parlé plus souvent que je ne l’avais imaginé des relations plurielles consensuelles, et notamment de celles que l’on désigne sous le terme-parapluie de polyamorie (rappelons que le libertinage est aussi une forme de non-exclusivité consensuelle, qui renvoie le plus souvent plus spécifiquement à des relations sexuelles, tandis que l’adultère est certes, une non-exclusivité, mais non-consensuelle par définition, puisqu’au moins l’une des personnes concernées n’est pas même au courant).

De nombreux livres m’ont inspirée lors de mes réflexions, et notamment More Than Two, du blog du même nom, écrit à quatre mains par Franklin Veaux et Eve Rickert, et à qui je tiens à rendre hommage ici : c’est sous leur plume, en effet, que j’ai notamment pris conscience de la différence entre des accords d’un côté, qui sont passés entre toutes les personnes concernées, et des « règles » de l’autre, qui potentiellement s’appliquent à une tierce personne ; de même que la différence entre poser ses propres limites d’un côté, et imposer des règles à quelqu’un·e d’autre, de l’autre.

C’est encore à elleux que je dois une partie de ma réflexion sur les droits qu’ielles ont appelé les « droits de la personne en relation secondaire« , autrement dit d’une personne qui serait en relation avec des personnes déjà elles-mêmes en relation dite « primaire ».
J’avoue cependant que ces termes « primaire » et « secondaire » qui renvoient, pour moi, à une échelle de « hiérarchie » (rankingsupposée entre les personnes (ou les relations) me posent problème en eux-mêmes. Il n’est cependant pas toujours simple de trouver de bons mots pour décrire des situations inédites jusqu’à présent dans les relations (dans mon article #20, j’ai par exemple choisi d’employer le terme de partenaire « historique », pour désigner une relation antérieure à une autre).
Pour celleux que ça intéresse et qui lisent en anglais, je ne peux que vous encourager à prendre connaissance du « Secondary Bill of Rights » écrit par Franklin Veaux en 2013.

Au final, j’ai la sensation que les éléments les plus importants à cultiver dans des relations, quelles qu’elle soient, sont le respect mutuel, en toutes circonstances, et la confiance – confiance en soi, confiance en l’autre, confiance en la relation.

Dans mon Voyage en Polyamorie, j’ai souvent opposé l’Amour d’un côté, la Peur de l’autre.
En réalité, je crois qu’ils correspondent aussi à la Con-fiance d’un côté, la Dé-fiance de l’autre :

  • avoir confiance que son/sa partenaire est quelqu’un·e de fiable, qu’on peut se fier à sa parole, se sentir en sécurité qu’ielle ne fera jamais rien « contre nous » et que, s’il lui arrive de faire quelque chose qui nous perturbe, c’est dans tous les cas « pour ellui » (Ne rien prendre personnellement » : 2ème accord toltèque) ; l’autre soir lors d’un groupe de parole, une femme nous racontait que son mari, quand il la sentait perdre pied, la rassurait en lui disant : Je ne suis pas contre toi.
  • par opposition à se sentir en « in-sécurité », se méfier de l’autre, et en conséquence, une fois que notre système d’alerte interne a été activé (à juste titre ou non), percevoir la réalité à travers un filtre déformant « parano » qui nous fait interpréter tout dans un sens qui nous est défavorable.

Philippe Jeammet, psychiatre qui vient de publier un livre sur les émotions (Quand les émotions nous rendent fous) oppose précisément ces deux états émotionnels : la confiance d’un côté, la peur de l’autre. (À ce propos, je vous invite à écouter en podcast l’excellente émission de La Tête au Carré sur France Inter).

Quand votre partenaire a envie de passer du temps avec une autre personne, plutôt que de vous focaliser sur le « manque », la bouteille à moitié vide, et de vous demander pourquoi ielle n’est pas avec vous… pensez plutôt à la bouteille à moitié pleine : à tous ces moments passés ensemble, à ce qui fait qu’ielle revient, est revenu·e et reviendra encore vers vous, pour tout que vous avez co-créé ensemble, pour cette relation forte que vous avez ensemble.

L’enjeu de la confiance me renvoie à ce mantra qui me vient de Susan Jeffers, ma gourou en chef, celle qu’aucun·e des dizaines d’auteurices que j’ai lu·es depuis des années n’a réussi à détrôner :

Whatever happens, I’ll handle it.

C’est le mantra qui me renvoie à la Déesse intérieure en moi, cette confiance absolue que quoiqu’il arrive, je m’en sortirai. C’est aussi celui qui dit : Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. 

Susan Jeffers est aussi l’autrice qui a écrit le super Feel The Fear and Do It Anyway. Il ne s’agit pas de ne « plus avoir peur« , ni de « lutter contre sa peur« , ni encore de chercher se convaincre qu’il n’y a « aucune raison d’avoir peur » (avez-vous déjà essayé de « raisonner » un enfant qui a peur que quelqu’un soit caché derrière ses rideaux ?), mais bien d’accueillir la peur en nous, comme il s’agit d’accueillir en nous toutes nos émotions, qui sont là, qui sont légitimes, qui sont nos alliées pour nous aider à comprendre ce qu’il se passe en nous, et, une fois qu’on l’a accueillie, acceptée, regardée en face, d’y aller quand mêmeNe pas attendre de ne plus ressentir la peur pour faire le premier pas.

Et puis, petit pas à petit pas, chaque jour de mieux en mieux… avancer sur le chemin qui est le nôtre.

L’enjeu, quand on entre en relation avec quelqu’un·e, est de créer de l’intimité, de se relier à ellui d’une manière authentique. De ne pas tricher, de ne pas faire semblant. Si on a peur de lea perdre, partager cette peur avec ellui, la lui faire connaître… en espérant qu’ielle saura l’accueillir sans jugement et dans la bienveillance. Et si ça ne le fait pas… alors c’est que ça ne devait pas le faire, et passer son chemin.

C’est en s’ouvrant peu à peu à l’autre dans la confiance et dans l’amour, que se crée jour après jour entre nous une intimité qui nous rend à la fois plus vulnérable et plus fort·e l’un·e et l’autre.

Rien ne sert de construire des barricades autour de notre relation : si l’autre doit un jour partir, rien ni personne ne pourra jamais lea retenir contre son gré. Les « règles » que l’on cherche à imposer à l’autre pour apaiser nos propres craintes… sont comme autant de barreaux de prison : l’autre y restera tant que cela lui conviendra aussi… et puis si un jour cela ne lui correspond plus, ielle les franchira.
Rien ne sert de lutter contre le courant : mieux vaut se laisser porter.

L’autre est un miroir pour moi. Quand quelqu’un·e me parle de moi, en réalité, ielle me parle d’ellui. Et si moi je suis tenté·e de lui faire un reproche, me poser la question : qu’est-ce que cela révèle… de moi ? Qu’est-ce qui me dérange en l’autre qui, en réalité, me renvoie à moi et à mes propres ombres ?

Une relation intime me permet de petit à petit mieux apprendre à aimer, mieux apprendre à m’aimer moi, mieux apprendre à aimer l’autre, et de devenir une meilleure version de moi-même.

Là encore, les écrits de Susan Jeffers sont une source d’inspiration constante pour moi. C’est elle qui a écrit Embracing Uncertainty, elle encore à qui j’ai emprunté mon fameux petit « … – ou pas » qui m’aide tant au quotidien pour apprendre à lâcher prise sur les attentes et m’ouvrir à ce que la vie m’apporte : rester curieuxe, ouvert·e, cultiver en soi sa capacité d’émerveillement.
Susan Jeffers encore qui parle d’accueillir en soi au moins « un waouh par jour«  !

L’enjeu est d’apprendre à s’aimer soi-même, à être soi-même, pour pouvoir s’ouvrir à l’autre : c’est le fameux « moi-m’aime« .

Si je sais que quoiqu’il arrive, je serai là pour moi, parce que je suis mon propre parent intérieur qui vient rassurer mon « enfant intérieur » – qu’il y a quelques jours, j’ai soudain visualisée comme « mon enfant autiste » – alors je ne crains plus l’autre. Car je sais que l’autre, ellui aussi, fait du mieux qu’ielle peut, et ne fait rien « contre moi », mais « pour ellui ». Et je peux avoir confiance en ellui pour ne pas me vouloir de mal. Je peux alors m’ouvrir à ellui, comme ielle peut s’ouvrir à moi : dans l’accueil et la bienveillance.

Respect – regarder l’autre comme un·e autre, comme une merveille de la vie, aussi libre et légitime que moi – et confiance – confiance en moi, confiance en l’autre, confiance en la relation – sont pour moi les deux piliers d’une relation positive et éthique à l’autre.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #20. Poser ses limites

Dans une relation, se respecter soi-même commence par se connaître, et assumer de poser ses propres limites. Poser ses limites, les connaître et les faire connaître à l’autre, n’est pas la même chose que d’imposer des règles… à l’autre. 

Dans le premier cas, il s’agit d’assumer de protéger mon propre territoire, de délimiter ce qui fait que je me sens en sécurité ; dans le second, d’empiéter sur le territoire de l’autre, en cherchant à lea priver de son libre-arbitre, voire de sa liberté de choix.

Et le no-wo·man’s land entre les deux… est précisément là où se joue l’éthique.

Qu’est-ce qui est éthique, et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Où est la limite entre un comportement « éthique », et un qui ne le serait plus ? C’est bien tout l’enjeu. Et n’espérez pas trouver une quelconque réponse à ces questions dans cet article : comme c’est le cas dans les cafés ou groupes de parole poly, ainsi que je le dis dans mon film LUTINE, on en ressort souvent avec plus de questions que de réponses… et c’est OK.

Ouvrir le champ des consciences, se poser des questions sur soi et le monde, réaliser qu’il n’y a pas de réponses toutes faites, pas de « prêt-à-porter » des relations : voilà quelle est mon ambition ici.

Une relation ne peut être que du sur-mesure, qui tient compte de toutes les personnes concernées, de tous les enjeux spécifiques à une situation donnée et le seul objectif réaliste ne peut être que de faire de son mieux de manière à ce  chacun·e y trouve son compte, dans le respect et la confiance.

Chaque cas est particulier, chaque histoire est unique, chaque relation a ses spécificités.
Pas de règles générales, que des cas particuliers : voilà pourquoi je parle ici d’éthique, et non de « morale ».

En réalité, les véritables enjeux dans une relation sont les limites émotionnelles de l’un·e et de l’autre : les traumas hérités de l’enfance, et parfois aussi, malheureusement, des relations précédentes.

Et ce n’est souvent que lorsque l’on a appuyé (c’est-à-dire, trop tard pour revenir en arrière) sur un « trigger »,  un « bouton émotionnel« , que l’on en prend conscience :  Ah tiens, j’ai disjoncté, là, qu’a-t-il bien pu se passer ? Il était où, il est où, mon « bouton » ?

Il est important d’apprendre à se connaître, à repérer ses « boutons », pour ensuite pouvoir les travailler, et peu à peu, les apaiser.

Quand on entre en relation intime avec quelqu’un·e, on lâche les défenses, on se met à nu, au sens propre comme au sens figuré.
Il n’y a rien de plus beau, de plus fort et de plus émouvant que d’autoriser une personne à entrer dans notre espace intime, lui donnant accès à qui on est au plus profond, lui donnant la possibilité de nous transformer en profondeur – avec notre consentement – pour devenir, on l’espère, une meilleure version de nous-même.
En contrepartie, cette personne a désormais un pouvoir immense sur nous, qui est de nous blesser, nous heurter, parce qu’on lui a montré nos failles et nos vulnérabilités.

Quand quelqu’un·e nous a donné sa confiance, tâchons de nous en montrer digne. Nous avons une responsabilité envers ellui. Si, dans une relation, l’un·e est en difficulté émotionnelle, le devoir moral – à mon sens – de l’autre, est de ne pas lui lâcher la main, et de l’accompagner sur son chemin.
Il ne s’agit pas de renoncer à qui on est – tout le monde y serait perdant à un moment ou à un autre – mais de ne pas forcer les choses, de laisser le temps au temps, de respecter le rythme de chacun·e.

Et parfois, si les besoins de l’un·e et de l’autre s’avèrent incompatibles, si on se fait plus de mal que de bien, alors il peut être important de lâcher la résistance et de laisser se dissoudre le lien, de prendre de la distance, de faire évoluer la relation, voire de la rompre, si vraiment elle s’avérait toxique pour l’un·e ou l’autre.

Quelques règles de base ont prouvé leur utilité : mieux vaut avancer au rythme du / de la plus lent·e. Car si on essaie de passer en force, alors en face, se met en place la Résistance.

En effet, quand on se sent en insécurité, on n’est « pas soi-même », pas en état de raisonner : l’insécurité crée un « filtre parano », et on lit tout à travers ce filtre.

Dans sa « théorie du choix », dont je parlais dans mon article sur les besoins fondamentaux, William Glasser en dénombre cinq : la sécurité, l’amour et l’appartenance, le pouvoir, la liberté, le plaisir.

Quand notre cerveau émotionnel détecte un danger – réel ou projeté, peu importe -, il déclenche le plan Orsec : le flux sanguin quitte notre cerveau pour affluer vers nos muscles et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, nos capacités à réfléchir et décider sont amoindries. 


Quand je me sens en insécurité – qu’elle soit donc « justifiée » ou non -, je ne suis donc plus réellement dans mon état « normal » : je vois tout à travers un filtre déformant. J’ai l’impression d’être lucide et rationnel·le… mais c’est loin d’être le cas.

C’est alors qu’il est important de savoir repérer en soi ces moments de déconnection de soi-même : ce n’est plus « nous » qui parlons, mais la partie de nous qui a peur, qui imagine le pire, qui projette ses cauchemars comme sur un écran de cinéma. Tout ça n’a plus rien à voir avec la « réalité », mais bien avec les histoires qu’on se raconte.


Important dans ces moments-là d’avoir conscience de soi-même, et de ne pas prendre ses fantasmes ou ses cauchemars pour la réalité.

N’empêche : pour pouvoir retrouver un état serein, on peut avoir besoin de temps. Et il est alors tout à fait légitime de poser ses limites.
Savoir reconnaître par exemple : En ce moment, je ne suis pas capable de gérer telle ou telle chose.
Et dans tous les cas, j’ai le droit de dire ce qui est supportable – ou pas – pour moi.

J’ai par exemple le « droit » de dire : Je ne veux pas savoir car je sens que je ne pourrais pas, là, émotionnellement gérer… – ce qui n’est pas la même chose que de dire : « Tu n’as pas le droit de… », même si je ne le sais pas.

Ce n’est en effet pas la même chose de poser ses propres limites, reconnaître ce qu’on est capable de gérer soi-même – ou pas -, ou de régenter la vie de quelqu’un·e d’autre, voire même d’une tierce personne avec laquelle notre partenaire serait en relation et, qui, elle aussi, a des droits, des désirs, des besoins et des émotions, une fois de plus – et au risque d’insister – : tout aussi légitimes que les miens.

Il est essentiel à mon sens, pour des relations positives et éthiques, que tout le monde soit sur la même ligne de respect des autres.

J’ai le droit de poser mes limites. 
Je n’ai pas le droit de dicter sa conduite à quelqu’un·e d’autre. 

Si quelqu’un·e me dicte ma conduite, me dit ce que j’ai le droit de faire ou pas, qui j’ai le droit de voir ou pas, ou dans quel créneau horaire… sous prétexte qu’ielle-même n’arrive pas à gérer ses insécurités, alors on peut très vite basculer dans l’abus.

En polyamorie, on a souvent tendance à raisonner en se plaçant du point de vue de la relation qui s’ouvre, parce que notre société et notre culture sont centrées sur le couple, et ce qu’on appelle le « couple privilege« .

Mais si, pour une fois, on faisait un « pas de côté« , et si, au lieu de voir les choses du point de vue de la personne en relation primaire qui a peur de perdre ses privilèges, on se plaçait du point de vue de la tierce personne, qui a développé une relation avec l’un·e des partenaires de cette relation primaire : elle aussi, cette tierce personne, a le droit que l’on tienne compte de ses besoins.

De même que la personne que l’on dit être « pivot« , à la « pointe du V » entre son/sa partenaire principal·e et sa nouvelle relation, a le droit que soient entendus et respectés ses besoins, ses désirs, ses émotions.
Et s’ielle a envie de passer plus de temps avec sa nouvelle relation, son/sa partenaire historique a-t-ielle le droit de régenter son emploi du temps, ce qu’ielle fait de son corps, ou comment ielle gère ses émotions ?

 

En réalité, s’agit-il bien encore ici de « droits » ?

L’enjeu est de faire la différence entre exprimer ce qu’on est capable de supporter – ou non – (je pose mes limites, elles sont miennes), et prétendre empiéter sur le territoire de l’autre – émotionnel ou concret.

Quand tout le monde est sur le même terrain de respect de l’autre, d’empathie, d’accueil des émotions, et que chacun·e des personnes impliquées dans une relation a le même objectif : le bien-être de tou·te·s, alors on peut avancer main dans la main, au rythme du/de la plus lent·e, certes, mais toujours dans la même direction : vers plus de liberté, plus d’autonomie de chacun·e.

Il est important que chacun·e travaille sur soi, sur ses propres peurs, ses propres insécurités… dans le respect des besoins, désirs et émotions de toutes les personnes concernées.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #19. Accords versus Règles

De mon point de vue, si l’on souhaite vivre des relations positives, éthiques et en conscience, il est important qu’elles soient honnêtes, sincères et authentiques.

Pour moi, cela suppose en premier lieu, au moins de ne pas mentir, en commençant par ne pas se mentir.

{Parenthèse assumée :
Il ne s’agit pas non plus nécessairement de « toujours dire la vérité« , si on sait que certaines choses peuvent blesser l’autre.
Cela revient pour moi au fameux « Tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler« , en se posant la question : Est-ce que ce que je m’apprête à dire va dans le sens de faire du bien à la relation ? 

Christophe Vincent, coach certifié en Communication non-violente®, et qui anime pour Lutine & Cie des ateliers CNV / Poly, aime répéter, à propos d’une relation, qu’on a le choix entre

  • l’accepter
  • l’améliorer
  • la quitter
  • ou… se plaindre !

D’où : ce que je m’apprête à dire va-t-il aller dans le sens d’améliorer la situation ou la relation entre cette personne et moi ? Ou cela risque-t-il de la blesser ou de lui faire du mal, d’une manière ou d’une autre ? Quelle est mon intention ?

Parenthèse refermée.}

Être honnête et authentique – tant qu’on ne blesse pas l’autre (cf le 1er accord toltèque : Que ma parole soit impeccable) – est donc pour moi la première chose importante dans une relation.

« Ne pas supposer » en est sans doute une autre, tout aussi importante : c’est d’ailleurs le 3ème accord toltèque.
Autrement dit : ne pas projeter sur l’autre ce qu’on pense qu’ielle va dire ou comment ielle va réagir dans telle ou telle situation, mais… en parler, lui poser la question directement : que chacun·e ait le choix et l’opportunité de parler pour soi.

Imaginons une relation dans laquelle les deux partenaires se sont mis d’accord, préalablement, sur le fait que leur relation serait exclusive. Et puis l’un·e des deux, au bout d’un moment, a envie d’autre chose, s’interroge sur le fait d’ouvrir la relation. Que doit-ielle faire ? Comment en parler ?

Dans le monde « ordinaire » de la monogamie qui est le nôtre, régi par la « norme » de l’ascenseur relationnel, un tel désir risque d’être accueilli comme un coup de tonnerre : rien que le fait d’en avoir « envie » semble mettre en péril la relation toute entière.

Oui, mais ça, c’est parce qu’on croit qu’il n’est pas « possible » d’avoir plusieurs relations en même temps dans un cadre consensuel, éthique et respectueux de toutes les personnes concernées : parce que l’adultère lui-même fait en réalité partie des « codes », voire des présupposés, de l’ascenseur relationnel.

« On dirait qu’on serait monogames, mais en fait, comme au moins la moitié des gens qui se disent monogames, je tricherais… donc par définition, je ne te le dirais pas, et tu pourrais continuer à « croire » qu’on est mono, alors qu’en réalité, notre relation serait « non-monogame », mais de manière non-consensuelle. »

Pourquoi l’adultère fait-il si mal quand il est découvert ? Parce que par définition, il constitue une tricherie, une tromperie. D’ailleurs, en anglais, c’est le même mot : to cheat, qui désigne aussi bien « tricher dans un jeu », que « tromper », dans le sens d’une infidélité.
Il constitue une entorse à la parole donnée, un coup de canif dans le contrat, dit-on parfois : c’est dire la violence.

Comment avoir encore confiance dans l’autre, une fois qu’ielle vous a menti, trompé·e, trahi·e ?
S’ielle l’a fait une fois, c’est donc qu’ielle est « capable » de le faire, et donc pourra à nouveau le refaire ? Comment reconstruire une relation sur la base d’une rupture de la confiance ?

Par définition, la personne trompée est alors dans la mé-fiance et la dé-fiance, au lieu d’être dans la con-fiance. Donc dans une forme certaine d’insécurité. Et quand on est dans l’insécurité, difficile  de se sentir « bien », détendu·e, serein·e, difficile de se sentir à l’aise dans une relation. Comment retrouver la confiance ?

« Fidélité » vient de fides, fidei en latin, qui signifie : confiance.
Une personne fidèle est une personne digne de confiance, une personne fiable, une personne qui « dit ce qu’elle fait » et « fait ce qu’elle dit« . 

L’enjeu, dans une relation, est bien d’être « digne de confiance« .

L’essentiel, pour moi, est donc de se mettre d’accord sur les modalités de la relation : sur ce qui nous convient, ou pas. Et ensuite, de faire confiance à l’autre qu’ielle ne fera rien « contre nous », et que tout ce qu’ielle décidera de faire, sera « pour ellui ».

C’est ainsi que certaines personnes en viennent à se mettre d’accord sur le mode qu’on appelle Don’t Ask, Don’t Tell : Tu fais ce que tu veux MAIS… tu fais en sorte que je ne le sache pas.
Ce qui revient à demander : Dans certains cas, je te demande donc de me mentir. 

C’est un choix, tout aussi légitime qu’un autre, dans la mesure où les deux personnes sont d’accord – même si, selon moi, en pratique, il n’est pas toujours facile à mettre en place.

En effet, à partir du moment où une personne a demandé à ne rien savoir… combien de temps la situation peut-elle durer comme cela ? Si à un moment, par exemple, l’un·e vit une situation qui fait qu’en réalité, elle éprouve désormais le besoin d’en parler à l’autre (imaginons qu’elle a rencontré une personne avec laquelle elle a non seulement envie de passer une soirée, comme le stipulait l’accord préalable (Chacun·e de nous a le droit de sortir une soirée par semaine sans rien en dire à l’autre), mais aussi parfois une nuit), comment fait-elle ?
Puisque l’autre ne veut pas savoir ?

En réalité, l’accord passé entre les deux personnes devient un accord sur lequel on ne peut plus revenir sans le trahir : ce n’est donc plus un « accord » dans lequel les deux personnes se reconnaissent, mais cela devient une « règle » qui s’impose à l’un·e des deux, au détriment de ses propres besoins.

Le principe, pour moi, d’une relation éthique, est une relation dans laquelle chacun des accords que les personnes passent entre elles est, comme je l’ai dit dans mon article #17renouvelable et renégociable à tout moment.

Dans l’exemple précédent, on peut imaginer que l’accord « don’t ask don’t tell » soit par exemple rediscuté une fois par mois : Est-ce que la situation te convient toujours ? Et si non, que proposes-tu ?

Et si on en arrive à la situation que l’un·e ne veut pas savoir, et que l’autre a besoin de dire…, c’est là que vont s’avérer utiles, pour maintenir le lien, tous les outils de la communication compassionnelle, d’accueil des émotions, d’écoute empathique…

Souvent, une « règle » est édictée pour se protéger soi-même d’une émotion que l’on redoute. La question à se poser alors est : Ai-je le « droit » – d’un point de vue moral, éthique – d’empêcher l’autre de vivre quelque chose qui est important pour ellui à vivre… sous prétexte que je redoute les émotions par lesquelles je risque de passer ? 

Peut-on par exemple imaginer que la personne travaille sur elle-même et sur ses émotions, afin de comprendre ce qu’une telle situation réveille en elle, et d’où vient l’insécurité qu’elle ressent, et surtout, quel besoin se manifeste derrière sa demande spécifique ? 

Quand un besoin qui est le mien commence à empiéter sur la liberté, le désir, le besoin de l’autre… alors on peut se poser la question de sa légitimité, d’un point de vue éthique. Ce qui ne signifie pas que ce besoin en question n’est pas légitime : il l’est, radicalement, intrinsèquement.

Mais si l’on travaille sur les émotions qui sont en jeu plutôt que sur la « forme » que prend ce besoin, alors on a peut-être une chance de trouver un accord qui satisfasse les deux partenaires, plutôt que s’accrocher sur les modalités pratiques.

Exemple : un couple s’est mis d’accord sur le fait que chacun·e d’elleux peut passer une soirée avec une autre personne, mais pas une nuit entière. Tant que cela convient à tou·te·s les deux, cool. Mais si, à un moment, l’un·e des deux rencontre une tierce personne qui, elle, a envie de passer une nuit entière avec ellui, et qu’ielle en a envie aussi, alors que devient « l’accord » – qui n’en est plus un ?

La communication compassionnelle, notamment, offre des outils précieux, en permettant de décomposer des « je veux, j’ai besoin » en « quelle est l’émotion derrière cette demande ?« , « quel est le besoin derrière cette émotion ? » et comment peut-être peut-on le satisfaire autrement ? 

L’enjeu premier, essentiel, étant de trouver un accord qui convienne à l’un·e ET à l’autre.

Et parfois, les « besoins » ou « désirs profonds » de l’un·e et de l’autre ne sont juste pas, ou plus, compatibles.
Et alors, parfois, il est important de lâcher prise, de laisser évoluer la relation vers une autre forme : on ne peut juste pas s’accrocher à une forme donnée sous prétexte que c’est la forme sur laquelle on s’était mis·e·s d’accord avant. En effet, chacun·e de nous grandit, mûrit, change, et ses besoins avec : on ne peut que l’accepter, comme il en était question dans mon article #18 « Accueillir les transitions« .

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #18. Accueillir les transitions

Mon article #17 présentait une relation éthique comme un contrat librement consenti entre deux personnes autonomes et responsables : un contrat s’applique pour une durée donnée.
Quand on se marie, on signe un contrat censé rester valable « jusqu’à la mort » de l’une des partenaires… sauf qu’aujourd’hui, le divorce est communément admis : le contrat est donc renégociable à tout moment si au moins l’un·e des deux évolue et change d’avis.

Quand je parle d’éthique relationnelle, quand j’insiste sur le fait que l’autre a des droits, des émotions, des besoins, des désirs qui sont autant légitimes que les miens, je pars du principe que tout contrat passé entre deux personnes à un moment donné, qu’il soit formalisé ou pas, est renouvelable et renégociable à tout instant, si ses termes ne conviennent plus à l’une des personnes.

Mais… c’est une chose de le savoir, c’en est une autre de le vivre.

La jalousie est un mot-valise, ou bien encore un mot-parapluie, qui, dès qu’on commence à creuser un peu ce qu’il représente, n’a plus beaucoup de sens en lui-même, et renvoie bien plus sûrement à tout un tas d’émotions primaires telles que : la peur, la colère, la tristesse.

Et tout l’enjeu, une fois de plus, est de faire en sorte d’assumer ses émotions et de ne pas chercher à en rendre l’autre responsable : ce n’est que comme ça, que l’on pourra avancer sur son chemin et grandir, en se connaissant mieux soi-même.

Mais à nouveau… ceci est la théorie, et souvent bien plus facile à énoncer qu’à vivre. L’important alors, est de s’autoriser de tomber, comme un enfant qui apprend à marcher, être indulgent·e avec soi-même (et avec l’autre) : l’intelligence émotionnelle est une qualité mais aussi une pratique, qui se travaille – c’est un apprentissage, et comme tout apprentissage, il prend du temps.


On distingue traditionnellement la jalousie de l’envie :
– quand je suis envieuxe, j’aimerais avoir quelque chose que quelqu’un·e d’autre a ;
– quand je suis « jalouxe », j’ai peur de perdre quelque chose que j’ai, au profit de quelqu’un·e d’autre.

Certain·e·s en concluent donc – un peu rapidement à mon sens – que la jalousie a à voir avec la peur de la perte, et donc (c’est là que je ne suis plus) avec un instinct de possession ou de propriété. Sauf qu’évidemment, je le sais, que l’autre ne m’appartient pas, pas plus que son temps, ou son corps, que ce que l’autre fait de son temps, ou de son corps, ne me regarde pas.

Pour moi, la « jalousie » a au moins autant à voir avec la peur de l’abandon, qu’avec la peur de la perte. Je n’ai pas peur de « perdre » quelque chose que je possède, dans le sens où je sais que je ne « possède » pas mon/ma partenaire et où, philosophiquement, éthiquement, je sais qu’ielle est libre.
Mais à nouveau : le « savoir » est une chose, vivre sereinement les moments où l’autre est avec quelqu’un·e d’autre, en est une autre.

C’est là que souvent, en polyamorie comme dans tout apprentissage, on dit qu’il y a d’un côté, la théorie, de l’autre, la pratique. D’un côté, le savoir « intellectuel », rationnel, la raison, et de l’autre, les émotions. D’un côté, la tête, de l’autre le cœur. Et le cœur semble parfois avoir besoin de plus de temps que de la tête pour bien vivre une situation.

Quand la personne que l’on aime et avec laquelle on vit une relation et un attachement forts, a envie de passer du temps avec une autre personne, on peut avoir peur de perdre ce que l’on a ou avait jusqu’à présent : une connexion émotionnelle forte, des soirées ou des nuits passées ensemble, du temps intime.

Et… cette peur est légitime.
En effet, quand une nouvelle personne entre dans la vie de notre partenaire, il y a des chances qu’ielle entre dans une énergie nouvelle qu’en polyamorie, on appelle l’énergie de nouvelle relation (New Relationship Energy: NRE), qu’ielle y pense souvent, qu’ielle ait envie de passer du temps avec cette personne qu’avant ielle passait avec nous.

Ne pas reconnaître ou admettre cela, vouloir à tout prix se « rassurer » sur le fait que « cela ne va rien changer pour nous« , en se répétant que les amours s’additionnent, que si notre partenaire est heureuxe, alors on va l’être aussi, peut être une manière de ne pas regarder la réalité en face, et… se manger le mur quelque temps plus tard, si on cherche à tout prix à se raccrocher à la forme de la relation telle qu’on l’avait avant… et pour peu que l’on commence à faire des reproches ou des accusations à l’autre.

J’aurais aimé qu’ielle ne læ rencontre jamais. Je voudrais revenir comme avant. Pourquoi ne peut-on pas revenir comme avant ? Tu m’avais promis que cela ne changerait rien entre nous, et on se voit moins qu’avant. 

Mes émotions sont légitimes. L’expression de mes émotions est légitime… tant que je parle de moi, de mes peurs, de mes projections, de ce qui m’appartient.
Les problèmes commencent quand / si j’en fais le reproche à l’autre.

C’est là que les outils relationnels, de communication compassionnelle, d’accueil des émotions, d’intelligence émotionnelle, de mindsight, sont essentiels.

Accueillir, accepter mes émotions pour ce qu’elles sont, parce qu’elles sont là, et qu’elles sont légitimes : ma peur est là, je peux l’accueillir, la regarder en face, mettre des mots dessus.

J’ai peur que tu m’aimes moins qu’avant, j’ai peur d’avoir envie de te voir alors que toi tu en auras moins envie, j’ai peur d’être en manque de toi. Voire J‘ai peur qu’un jour tu me quittes. 

Alors certes, quand on choisit de vivre des relations non-exclusives consensuelles, on se confronte possiblement à des émotions parfois difficiles à gérer, mais précisément : on choisit de les regarder en face, et de les apprivoiser peu à peu.


Car reconnaissons-le par ailleurs : la monogamie – autrement dit : un cadre exclusif mis en place par consentement libre et éclairé au début d’une relation, quand l’un·e et l’autre avaient envie d’y croire, étaient en pleine énergie de nouvelle relation et… ne savaient peut-être pas qu’il était possible de faire autrement – n’a jamais empêché personne d’avoir des relations hors cadre si ielle en avait vraiment envie, et ne protège pas du divorce ou d’une séparation. Bien au contraire.

Quand l’autre est libre de vivre d’autres relations, en effet, et si la relation qu’ielle a avec nous est par ailleurs heureuse, alors ielle n’a pas de raison de vouloir la quitter.
Tandis que quand on vit en monogamie et que l’un·e des deux fait une « entorse au contrat » en trompant son partenaire, il est parfois difficile de rétablir la confiance  quand / si l’adultère est découvert. Et c’est là que, la colère et le sentiment de trahison n’aidant pas, on risque de dire ou faire des choses qu’on regrette ensuite.

Dans tous les cas, le fait de vouloir s’accrocher à la forme qu’avait la relation avant n’aide pas à accepter la réalité et le présent tel qu’il est. Quel que soit l’accord passé entre deux personnes (exclusif ou non), si l’une d’entre elles a envie, un jour, de faire évoluer la relation, voire de la quitter, rien ne l’en empêchera.

Et tandis qu’en polyamorie, plusieurs relations peuvent être complémentaires et s’additionner, en monogamie, quand un adultère est découvert, bien souvent, la personne qui l’a « commis » (tout un vocabulaire !) est « sommée de choisir » entre les deux : c’est souvent la fin de l’une des relations.

En polyamorie, il n’y a plus « besoin » de séparations, de ruptures, de « couples brisés », pour reprendre le titre d’un livre de Christophe Fauré : les relations peuvent être fluides et changeantes, on parle de transitions, d’évolution des relations.

Plus besoin de rassurer læ « prochain·e » candidat·e avec qui on voudrait monter dans l’ascenseur relationnel en lui offrant le cadavre de notre relation précédente : plus besoin de « trancher net », on peut rester proches, quelle que soit la nouvelle forme que prendra notre relation.

Et même si une relation doit effectivement se terminer (ça arrive, quand nos chemins de ne correspondent plus, quand on ne se fait plus de bien), elle n’est pas obligée de se terminer dans la violence ou les rancœurs.

On peut apprendre à gérer des transitions « en douceur » : une nouvelle relation peut s’installer en douceur dans la vie de quelqu’un·e, y trouver peu à peu sa place, tandis que la précédente saura peu à peu transitionner de son côté, de manière à ce que progressivement, dans le respect et la bienveillance mutuelschacun·e des personnes concernées y trouve son bonheur.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #17. Un contrat librement consenti et renouvelable

Une relation éthique correspond, pour moi, à un contrat librement consenti entre deux personnes, et constamment renouvelé : autrement dit, renouvelable, et renégociable, à tout moment.

NB. Pour une fois, je ne parle donc pas ici des relations parents / enfants, dans lesquelles, par définition, l’un·e des partenaires est sous la dépendance de l’autre. 

Le modèle de l’ascenseur relationnel continue à s’imposer comme une certaine « norme » implicite pour une relation, et « on » nous fait croire (notre culture, notre société) que, dans une relation dite amoureuse, l’exclusivité « va de soi ».

Il n’y a cependant qu’à regarder les chiffres impressionnants des sondages sur les infidélités et les divorces (selon les sources, on oscillerait entre 50 et 80% de personnes qui disent avoir trompé leur partenaire au moins une fois après cinq ans de relation) pour se convaincre que ce n’est juste pas le cas.

Pourquoi alors qu’aujourd’hui, les enjeux pour les unes et les autres qui ont conduit à cette norme de l’exclusivité dans le mariage – la dépendance financière des femmes, et le fait que les hommes voulaient être sûrs de transmettre leur patrimoine à leurs enfants biologiques – n’ont plus lieu d’être (les femmes sont autonomes et on a la contraception),
la non-exclusivité est-elle encore la « norme » implicite dans une relation ?

Parce qu’à mon sens, même si elle est communément partagée, la non-exclusivité reste encore  « tabou » : en réalité, comme on ne sait pas qu’il est possible de vivre des amours plurielles autrement que dans l’adultère, l’idée de non-exclusivité reste associée à l’adultère, tandis que l’adultère lui, est associé à des sentiments de honte et de culpabilité (d’avoir menti et triché d’un côté, d’avoir été trompé·e de l’autre).

Autrement dit, même si on en rit sur les scènes de théâtre et que Gleeden s’affiche dans le métro, ce n’est pas pour autant que les « vrais » gens en parlent avec leurs ami·e·s quand ça leur arrive à eux : comme ils pensent être les seul·e·s à qui ça arrive, ils en ont honte, donc à leur tour, ils n’en parlent pas, et confortent ainsi le mythe.
Autrement dit, l’adultère… ça n’arrive qu’aux autres.

Alors qu’il me semble que s’il n’était plus si tabou, si on regardait en face les chiffres de la non-exclusivité non-éthique, si on admettait que ça peut nous arriver à nous, et qu’il n’y a pas nécessairement à en avoir honte, alors on pourrait alors bien plus justement s’interroger sur une manière plus éthique de vivre cette non-exclusivité.
(Mais sans doute y a-t-il aussi là un lien avec le tabou d’un rapport décomplexé, joyeux et positif à la sexualité ?)

Pour moi, une relation est comme un contrat que passeraient entre elles deux personnes adultes et autonomes.

D’un point de vue éthique, moral, personne n’a aucun “droit” sur personne d’autre :
chacun·e d’entre nous est libre, absolument, intrinsèquement, et les émotions, désirs et besoins de l’un·e  sont autant légitimes ceux de l’autre.
Chaque personne s’appartient et est libre de mener sa vie comme elle l’entend – du moment qu’elle ne blesse pas intentionnellement quelqu’un·e d’autre.

Quand deux personnes ont envie d’être en relation l’une avec l’autre, il me semble que la première chose à faire est de discuter de la relation : De quoi as-tu envie ? De quoi ai-je envie ? Est-ce compatible ? Peut-on trouver un terrain d’entente entre nous ?

Cela suppose bien entendu que chacun·e ait une idée de ce dont ielle a envie… et on ne le sait pas toujours.

On peut alors convenir de tester ensemble, d’avancer pas à pas, de faire un pas… puis un pas de côté si on le souhaite, puis de revenir en arrière si l’un·e des deux le souhaite : ce serait comme une danse.
Une relation est une co-création, comme une œuvre d’art que l’on créérait à deux, où chacun·e serait co-scénariste de l’histoire que l’on écrit à deux.

Ce qui suppose aussi, donc, que l’un·e peut avoir envie de quelque chose… et l’autre pas. Ou que l’un·e peut avoir envie de parler de quelque chose qui, pour ellui, ne lui convient pas, ou plus, dans le contrat passé initialement, peut-être parce que les conditions ont changé, peut-être parce qu’ielle a rencontré quelqu’un·e d’autre, ou parce qu’ielle a envie de rencontrer quelqu’un·e d’autre.

Il me semble que l’un des éléments importants, voire essentiels, pour moi dans une relation, est de… pouvoir parler de ce qui ne va pas. De ce qu’on voudrait voir changer. Et sans « craindre » la réaction de l’autre, en lui laissant la chance de sa réaction, et éventuellement, de nous surprendre.

Une fois de plus, ne pas projeter, ne pas supposer : personne ne peut savoir à l’avance comment quelqu’un·e d’autre va réagir.
(Si on est habitué·e à ce qu’une personne réagisse en nous renvoyant systématiquement la « faute » sur nous, en nous accusant, nous faisant des reproches, en faisant des crises, des menaces… euh… c’est qu’on n’est malheureusement sans doute pas dans ce que j’ai défini comme une relation « éthique » ou « positive« .)

À partir du moment où on accepte qu’une relation est quelque chose de vivant, et non de figé dans le temps, que la vie est mouvement, la vie est changement, alors on accepte de se remettre en cause régulièrement, et de laisser évoluer la relation à son rythme, et dans la direction dans laquelle les deux personnes concernées sont d’accord pour la laisser évoluer.
On prend alors chaque « épreuve » que la vie nous envoie non plus comme une « épreuve », mais comme une expérience, qui nous permet d’avancer sur notre chemin.

Une relation, pour reprendre l’image de Franklin Veaux et Eve Rickert dans More Than Two, est comme une plante, qu’il faut entretenir, nourrir, et dont il faut prendre soin.
Chaque évolution, chaque modification doit être discutée entre les partenaires, et agréée par les deux. Dans l’absolu respect de leur consentement mutuel – et libre. 

Ce n’est qu’à cette condition qu’on peut être sûr·e que les deux partenaires continuent à s’épanouir dans une relation : en êtres libres et heureux d’être en relation l’un·e avec l’autre.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

 

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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #16. Maintenir le lien

Dans une relation, quand arrive un conflit ou un désaccord, l’enjeu fondamental est-il de

  • maintenir le lien et la relation sans l’abîmer
  • ou d’avoir raison ?

« Qui a raison ? » est l’un des jeux psychologiques mis en évidence par Eric Berne dans Des jeux et des hommes dans le cadre de l’analyse transactionnelle). Et une fois qu’on en a pris conscience, ça peut devenir vraiment amusant – et instructif – de le repérer, chez les autres, bien sûr, mais avant tout chez soi-même :

Est-ce que je serais en train de jouer à « Qui a raison ? »

Et souvent – en tout cas, de ce que j’ai pu observer chez moi – ça aide à désescalader un potentiel conflit.

Globalement, s’opposent là deux conceptions des relations :

  • restauration et réparation d’un côté (cf la justice restaurative, restauratrice, réparatrice, transformative)
  • punition et séparation (bannissement) de l’autre (cf notre système judiciaire punitif, qui inspire malheureusement (à moins que ce ne soit l’inverse ?) la logique de la plupart des relations dans notre culture, notamment avec les enfants.)

Comme souvent dans notre culture, s’applique ici la logique binaire : dans un conflit, on joue précisément à « Qui a raison ? » (étant entendu que je ne parle pas ici de comportements « criminels »). Il s’agit en effet de désigner un·e coupable, et une fois qu’on l’a trouvé·e, de lea punir, dans l’espoir que cela lea fera réfléchir pour la prochaine fois.

Drôle de logique, ma foi. Que toutes les recherches récentes sur les neuro-sciences mettent à mal, notamment évidemment par rapport aux enfants.

Quand on est « puni·e », en effet, notre système a tendance à se refermer, se protéger : on n’est pas / plus en position « d’apprendre » quoi que ce soit, ou alors par réflexe acquis, par peur.
Certes, ça « marche » –  à court terme.

L’enfant devient « soumis »… et on tue en lui sa spontanéité. Ou alors il devient « rebelle ». En aucun cas, il ne reste « libre ».
Que ressent-il ? Dans le premier cas, qu’il l’a « mérité », qu’il n’est pas digne d’amour ou de confiance, que ses parents sont tout-puissants et que leur amour est « conditionnel ».
Dans le deuxième cas, que c’est injuste, que c’est un abus de pouvoir (à juste titre : on est à nouveau ici sur l’échelle hiérarchique de ranking, sur laquelle certain·e·s, et particulièrement les adultes par rapport aux enfants, s’estiment « supérieur·e·s ») : il ressent de la colère, voire du mépris, et se jure de ne pas se faire prendre la prochaine fois.

Dans tous les cas, la « relation » est abîmée, la connexion émotionnelle perdue.

Et à long terme ? Si l’objectif est de créer de bons petits soldats soumis que le système patriarcal pourra utiliser à merci, alors oui : punir ses enfants « marche ».
Dans le cas des rebelles, en revanche, rarement, et malheureusement, c’est souvent alors l’escalade : ce qui se met en place est une logique d’affrontement.
On n’est plus dans le « Qui a raison ? », mais dans le « Je vais te montrer qui est lea plus fort·e. »
À ce propos, pour le plaisir, je vous propose de re-regarder la bande-annonce du film de Pixar sur les émotions, dont décidément je ne me lasse pas : Inside Out (maladroitement « traduit » en français par Vice Versa). Je l’avais trouvé tellement génial que j’en avais écrit un article : Nos émotions au cinéma.

Dans le cadre de relations entre adultes, la question à se poser est : quand on a un conflit ou désaccord, quel objectif poursuit-on ? Cherche-t-on

  • à convaincre l’autre qu’on a « raison » et qu’ielle est en tort ?
  • ou à trouver un terrain d’entente entre nous – et maintenir la relation ?

Est-on dans une logique gagnant·e / gagnant·e... ou dans l’idée que lors d’un désaccord, il y a nécessairement un·e gagnante et un·e perdant·e  (autrement dit, dans une vision binaire des rapports humains : « les gentils et les méchants », les « winners » et les « losers » ?), et que comme on ne veut pas soi-même être « perdant·e », alors on doit nécessairement être « gagnant·e », quel qu’en soit le dommage sur la relation ?

Et si on réalise qu’on a soi-même avant tout besoin d’empathie – besoin d’être compris·e, entendu·e – est-on soi-même en capacité d’en donner à l’autre ?

En réalité, la disposition générale dans laquelle on se trouve à l’égard de l’autre fait qu’on va se focaliser

  • plutôt sur ce qu’on remarque qui ne va pas et avec quoi on n’est pas d’accord ;
  • ou plutôt ce sur quoi on est d’accord et à partir de quoi on peut avancer ensemble.

C’est là où John Gottman, notamment dans The Relationship Cure,  insiste sur l’importance de maintenir dans une relation un ratio au minimum de 5:1, voire même de 7:1 dans un couple, d’interactions positives par rapport aux interactions négatives.

Quand on a un conflit ou un désaccord, cela permet en effet de se souvenir de tout ce que l’on aime en l’autre, de tout ce que nous apporte la relation et qui nous rend heureuxe, plutôt que de ruminer sur ce qui ne va pas.

Dans le cadre de mes 21 articles pour des relations positives, j’ai écrit un article qui parle de la réparation dans une relation : je vous invite à le lire (ou le relire).

On est bien ici dans la logique de la justice restauratrice : il s’agit de réparer, de restaurer le lien qui a été abîmé… pas de chercher à désigner un·e coupable et de lea punir.

D’où l’importance, aussi, dans une relation, de la réciprocité : une relation se construit à deux, c’est une co-création, comme on co-créerait une œuvre d’art.


On ne peut pas être d’accord sur tout. Et il y a même des positions ou des points de vue irréconciliables. L’enjeu n’est donc pas d’être « d’accord » sur tout, ou de trouver à tout prix des « compromis », dans lesquels l’un·e ou l’autre, aurait peut-être le sentiment de se sacrifier.
Non, l’important est de le reconnaître, et de respecter le point de vue, le désir, le besoin, de l’autre, qui sont aussi légitimes et aussi valables que le mien.

Si, à chaque fois qu’il y a conflit ou désaccord, c’est la même personne qui présente ses excuses et que l’autre se drape dans une posture de Ah quand même !, il y a clairement déséquilibre… et on est dans un rapport de forces, sur l’échelle hiérarchique de ranking, et non dans une relation égalitaire.

L’enjeu, quand il y a eu désaccord ou dis-communication, c’est que chacun·e puisse

  • assumer sa part de responsabilité (cf mon article #15)
  • présenter ses excusesJe suis désolé·e de ce qu’il s’est passé, je reconnais ton inconfort ou ta souffrance et j’en suis navré·e (ce qui ne signifie pas faire son mea culpa en mode auto-flagellation : on est dans le non-jugement et la bienveillance réciproque)
  • s’engager à faire de son mieux la prochaine fois pour que cela ne se reproduise pas, et de permettre à la relation d’avancer, d’évoluer, pas de rester enkystée.

Dans les moments les plus difficiles que mon aimé et moi-même avons pu traverser, ce qui nous a toujours permis, l’un·e et l’autre, de garder espoir dans notre relation, était précisément cette confiance dans notre bienveillance réciproque et dans notre désir commun de maintenir le lien – ce qui parfois passe par la nécessité ou le désir de faire évoluer la relation.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

NB. Si vous souhaitez m’encourager à écrire mon livre sur la polyamorie et les relations positives et éthiques, vous pouvez :
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ÉTHIQUE RELATIONNELLE #15. Assumer mes responsabilités

J’écrivais dans mon article #14 que pour moi, la polyamorie est révolutionnaire, en ce sens qu’elle nous invite à un changement de paradigme, voyant les différent·e·s partenaires d’une relation comme ayant intrinsèquement les mêmes droits, quel que soient leur genre, leur âge, leur orientation sexuelle ou leur rôle dans la société.

Au-delà de cet aspect donc éminemment politique, la polyamorie nous invite aussi à travailler sur nous-mêmes, à avancer sur un chemin (en accéléré) de développement personnel, au risque sinon… de se manger le mur !

Combien de couples, en effet, exclusifs pendant des années (du moins en théorie) ont-ils découvert un jour le concept de polyamorie, trouvé que c’était « super !« , décidé d’ouvrir leur couple sans s’y être véritablement préparés… pour exploser en vol au bout de quelques mois à peine ?

En réalité, il semblerait que la polyamorie renforce les dynamiques déjà existantes dans une relation : si une relation est brinquebalante, si la communication n’est pas fluide, si les rancœurs se sont accumulées, si les partenaires ne sont pas prêt·e·s à passer du temps à parler ensemble, à accueillir les émotions l’un·e de l’autre… alors les enjeux de la polyamorie risquent fort d’aggraver ces dysfonctionnements.

Si quelqu’un·e a tendance à être insécure dans une relation, voire jalouxe, et à éprouver ainsi des émotions fortement désagréables, alors la polyamorie viendra précisément appuyer sur ses « boutons » (triggers), lui offrant cette fois-ci de « vraies » situations sur lesquelles se focaliser, et réveillant par-là même ses peurs, jusque-là contenues malgré tout grâce à la promesse rassurante d’exclusivité.

L’enjeu ici, en polyamorie comme dans toute autre situation de la vie, est de ne pas projeter sur l’autre la responsabilité de ce que je vis.
Autrement dit : ne pas accuser, blamer, critiquer ou dévaloriser.

Dit positivement plutôt qu’en forme « ne pas« , cela donne : assumer la responsabilité de mes émotions et de mes réactions.

En effet, mes émotions m’appartiennent : ce sont les miennes.

Une même situation, selon les personnes concernées ou l’état d’esprit dans lequel on se trouve ce jour-là, déclenchera des émotions – et des réactions – différentes.

Mon/ma partenaire arrive en retard à un rendez-vous, je peux :
– en être ravi·e, car je n’avais moi-même pas fini mon travail et ça m’arrange ;
– inquiète, car ça ne lui ressemble pas de ne pas prévenir ; 
– en colère, car ce n’est pas la première fois et que je me sens non respectée.

La situation est la même, mais selon ce que je me raconte, selon les pensées qui m’assaillent (ou pas), alors je ne vais pas réagir de la même manière.

Par ailleurs, il est possible – et même souhaitable – de prendre conscience que mes émotions sont mes alliées. Elles sont là pour m’informer de ce qu’il se passe en moi, comme des vigies.

Sur cette vignette, comment savoir si le pirate alerte ses comparses d’un danger en vue (il a peur) ou bien alors d’une proie à venir (il s’en réjouit) ? Une même situation (galère droit devant) va provoquer en moi des émotions différentes selon ce j’en projette.

L’important est donc de savoir identifier mes émotions, de repérer les sensations physiques qu’elles provoquent en moi, et de les accueillir telles qu’elles sont, sans chercher à les modifier, mais aussi sans les juger… afin de ne pas me laisser diriger par elles. Car si je les refoule ou les rejette par la porte… elles reviendront par la fenêtre.
Et attention : il ne s’agit pas de les acter. Juste, dans un premier temps, de les observer. 

Sauf que la plupart d’entre nous n’avons pas été élevé·e·s dans l’idée que nos émotions, quelles qu’elles soient, sont légitimes. Au contraire, même.

Quand un enfant tombe, souvent un·e adulte lui dit, avec la meilleure intention du monde : Mais non, tu n’as pas mal, ce n’est rien. 
Ah bon ? Comment peut-ielle savoir ce que l’enfant ressent, s’il a mal ou pas ? Et que lui apprend-ielle, au passage ? À ne pas faire confiance à ses propres sensations, et que ses larmes ne sont pas légitimes. Autrement dit : l’adulte prétend mieux savoir que l’enfant ce qu’il ressent   ce qui est absurde (cf mon article #9).

Comme l’explique Patricia Evans dans ses livres sur les relations verbalement abusives,  au lieu de nous laisser la possibilité nous définir nous-mêmes de l’intérieur (inside out), on nous a habitué·e·s à être défini·e·s de l’extérieur (outside in). 

Par ailleurs, combien de fois a-t-on entendu (ou prononcé ?) des phrases telles que Tu m’agaces ! ou Tu me fatigues !
La réalité de la situation étant plutôt : Je suis agacé·e ou fatigué·e (parce que… j’ai eu une dure journée, parce que j’ai faim, je suis stressé·e…).

Beaucoup d’entre nous ont ainsi été élevé·e·s :
– dans le refoulement ou le déni de nos émotions – au risque parfois de ne même plus savoir les repérer ou les identifier ;
– en trouvant « normal·e » d’être défini·e de l’extérieur, par des gens qui prétendent savoir mieux que nous ce que nous sentons, pensons, voulons (Tu le fais exprès ! Ne fais pas ton/ta timide !) 
– en prenant l’habitude de rejeter la responsabilité sur les autres, sans doute en partie pour éviter d’être accusé·e, voire puni·e.

Globalement, tout cela fait partie de ce que l’on appelle la « violence éducative ordinaire« , qu’une amie sociologue belge Frédérique Herbigniaux a très justement désignée comme « l’enfant du patriarcat« .

Les adultes se sentent « supérieur·e·s » aux enfants (sur cette fameuse échelle verticale hiérarchique de ranking  que j’ai empruntée à Elaine N. Aron) et se permettent, en les définissant de l’extérieur, de les « juger »… le tout soi-disant pour « leur bien » (combien de générations sacrifiées au nom du monstrueux Qui aime bien châtie bien ? Si vous n’avez jamais lu Alice Miller, accrochez-vous : ça peut secouer !)

Or, la réalité, c’est que je suis seul·e responsable de mes émotions et de mes réactions.

En éducation positive (ou bienveillante), un des premiers mantra que j’ai appris à l’Atelier des Parents il y a dix ans, est :
– toute émotion est légitme
– tout comportement ne l’est pas.
On dit par exemple à un enfant : Tu as le droit d’être en colère, pas de taper ou de casser ! 

De même, on pourrait dire à un·e partenaire jalouxe : Tu as le droit d’être triste ou en colère, pas de m’insulter ou de m’accuser. 

La violence n’est jamais légitime. Quand on prétend « aimer » quelqu’un·e, on souhaite son bonheur, non sa destruction.

L’enjeu ici, quand on se pose la question de l’éthique dans nos relations, est bien d’assumer sa propre responsabilité et d’agir en conscience.
Ce n’est sans doute pas un hasard, comme je le disais dans mon article #3, si avant de parler de polyamory, on parlait de responsible non-monogamy.

Je parle bien ici de relations « responsables », éthiques, où l’on se pose la question de l’autre, qui est aussi libre que moi, qui a autant de droits, dont les émotions sont autant légitimes que les miennes.

L’idéal dans une relation est de pouvoir avoir confiance dans une bienveillance réciproque.

Quand l’autre fait quelque chose qui réveille en moi des émotions désagréables, je me rappelle qu’ielle ne le fait pas contre moi mais pour ellui : mes émotions sont légitimes, je sais que l’autre saura les accueillir (si toutefois je ne cherche pas à l’en rendre responsable) et, si j’apprends à déchiffrer le message qu’elles m’envoient, elles m’indiqueront le chemin à suivre pour mieux me connaître et devenir une meilleure version de moi-même.

Hâte de lire vos commentaires.

Au plaisir,
avec amour et bienveillance,
Isabelle

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